Bon, nos moutons. On est à la fin de l'hiver début du printemps. Le sol se réchauffe. Le mycélium de truffe se réveille. Il pousse. Comme tout bon champignon qui se respecte, il n'a aucune idée d'où il se trouve. Il doit manger, trouver une racine et se reproduire. Il part dans toutes les directions à la recherche de ce qu'il cherche.
Il part donc vers l'arrière du brûlé, vers l'avant, sur les cotés, vers la surface et vers les profondeurs.
Vers l'arrière du front du brûlé (zone de brûlé de l'année d'avant), peu d'herbe, des racines encore jeunes, un sol souple, quasiment rien à faire, le pied. On largue quelques bombes histoire d'empêcher les graines de germer, on s'associe avec les racines présentes, on s'accouple, on fait des truffes...
Vers l'arrière de l'arrière, racines vieilles, pas le top, difficiles de trouver des racines jeunes pour faire des mycos. On gratte ce qu'on peut, on maintient le brûlé mais on ne pourra pas tenir face à la concurrence des autres champignons.
Vers l'avant du front du brûlé, c'est le far ouest. Un eldorado qu'il faut conquérir en se battant. C'est la guerre. Il y a des racines d'herbe très denses. Le sol est compact, exploité par les graminés, peuplé de champignons concurrents. Pas de pitié, il faut faire de la place pour les racines qui arriveront bientôt et qu'il faudra coloniser. La guerre est essentiellement chimique. On fait des alliances avec des bactéries, on s'attaque aux racines en les dévorant, on largue des gaz de combat (éthylène), des herbicides divers et variés. On assèche le terrain en utilisant la force de sucion redoutable des filaments mycéliens qui aspirent la moindre goutte d'eau pour la rapatrier à l'arrière du front dans la zone sécurisée.
Le sol s'assèche, l'herbe crève, le sol pas encore à nu devient plus souple sous l'activité des molécules chimiques. Les champignons concurrents qui aiment des milieux plus humides disparaissent.
La guerre de l'eau et des molécules chimiques prend fin dès que l'aridité sera trop forte. Le soleil, précieux allié devient ennemi. Peu importe, les truffettes sont formées. Elles libéreront des spores en limite de brûlé voire un peu en avant du front si certaines survivent.
A l'automne, si les conditions sont bonnes, on refera une bataille.
Généraux au rapport.
Fred